Un soir comme un autre? - Mattheo

Eteignant les lumières du cabinet, je jette un dernier regard sur les différentes pièces. Tout est tellement différent depuis que mon père ne travaille plus ici. Certes, c’est toujours son cabinet. Mais il n’empêche que maintenant, c’est moi jour après jour, qui travaille dans le bâtiment. Soupirant, je ferme à clef la porte principale, avant de m’avancer sur le parking pour monter dans ma voiture, après avoir déposé mes affaires sur la banquette arrière. Moteur en route, je prends la direction de mon chez-moi. J’espère sincèrement que ma sœur ira un peu mieux aujourd’hui. Mais il ne faut pas que je me fasse de faux espoir, ça ne sera pas le cas… Ouvrant la porte, je remarque aucune lumière dans la villa. Aussi, après avoir déposé mes affaires sur la table de cuisine, je monte directement à l’étage et ouvre légèrement la porte de la chambre de ma sœur. Elle dort à point fermé. Je m’approche d’elle pour remonter la couette sur ses épaules, avant de ressortir, fermant la porte derrière moi. Redescendant, j’attrape un post-it pour lui écrire que je suis sorti boire un verre et que je ne sais pas encore à quelle heure je compte rentrer. Au moins, je suis certain que si elle se réveille, elle paniquera moins. Puis de toute façon, elle pourra toujours me joindre sur mon téléphone.

Après avoir enfilé une chemise blanche propre et un jean avec une légère veste, je ressors et reprends la voiture. Je roule et m’arrête devant un bar. L’enseigne me fait un électrochoc. C’est là que je l’ai rencontré. Dans le fond, j’espère qu’elle sera là pour que je puisse essayer de l’approcher de nouveau, en espérant qu’elle ne prenne pas ses jambes à son cou. Inspirant, je pousse la porte et comme à ma grande habitude, mon regard parcourt la salle afin de voir si une silhouette, la sienne, se détache des autres. Alors que je m’apprête à faire demi-tour, je la vois et mon cœur bondit dans ma poitrine. Je m’avance de quelques pas, mais soudain, je la vois en pleine conversation avec un autre. Très bien. Je me dirige donc vers le bar et commande un verre de whiskey. Une fois servi, je m’arrête à ses côtés et ma main se pose dans le bas de son dos. « Serena, ravi de te revoir. Comment vas-tu ? » En engageant la conversation, je mets un obstacle sur sa route. Elle aura plus de mal à disparaître, sans paraitre impoli aux yeux des personnes qui nous entourent.

Ma main qui s’était rapidement posée sur son dos, afin de lui montrer clairement que j’étais là. Même si elle tentait de fuir, je ne comptais pas lâcher l’affaire de si peu. Peut-être qu’elle m’avait oublié et si c’était le cas, je me ferais un plaisir de lui rappeler qui je suis. Si au contraire, elle se souvenait de moi, je ferais en sorte qu’elle ne m’oublie pas. Lui demandant comment elle va, je la regarde légèrement, sans pour autant lâcher du regard l’homme qui se tient à ses côtés et qui est ivre. Sa voix transperce l’espace et je me fige légèrement. Je m’étais attendu à beaucoup de choses, mais pas à ce qu’elle joue la carte de l’inconnu. Alors que je m’apprête à prendre la parole pour lui demander si elle se moque de moi, elle se lève et je la regarde se diriger vers une table. « Hé bien mon gars, ça c’est une nana qui veut pas de toi ! ». Me tournant vers lui pour lui lancer un regard mauvais, je le vois se tasser sur son siège et tant mieux, je ne suis pas d'humeur à écouter les commentaires d'un homme ivre. Je bois une gorgée de mon whiskey, tout en observant Serena du coin de l’œil. Il est hors de question que je la laisse me filer entre les doigts.

Posant mon verre sur le comptoir, je prends très rapidement ma décision. Hors de question que je reste là, alors que je viens de la retrouver avec un énorme coup de chance. Me tournant vers le barman, je lui demande deux cocktails. Je paye les deux consommations, avant de me diriger d’un pas décidé vers Serena. Prenant place face à elle, je dépose le verre devant et plante mon regard dans le sien.  Si elle veut faire celle qui ne me connaît pas, je peux très bien jouer le rôle de l’inconnu intéressé par elle. « Puisque tu ne me reconnais pas, permets-moi de t’offrir un verre. C’est bien ce qu’on fait ordinairement non ? Puis vu que tu ne me connais pas, tu ne vas pas refuser ? Alors à quoi trinquons-nous ? » Oui, clairement, je fais tout pour la pousser à avouer qu’elle me connait. Si elle pense que non encore, elle sera du genre à accepter que je flirt avec elle, comme la première fois que je l’ai rencontré. Sinon, elle sera forcée d’avouer qu’elle me connaît. Souriant doucement, je sifflote mon verre sans la quitter des yeux.

J’ai peut-être agi trop impulsivement, trop rapidement. Mais depuis cette fameuse nuit, même si elle m’avait dit qu’elle ne voudrait rien de plus, je ne cesse de penser à elle. Comme pourrait dire certains de mes confrères psychologues, je suis en quelques sortes obsédé par elle. Et là, alors que je l’ai en face de moi, je ne peux la laisser filer comme ça à une autre table, m’avouant ainsi vaincu. Non je veux tout faire pour passer ma soirée avec, même si je pense qu’elle n’acceptera pas. Mais tant mieux, je suis têtu, je sais ce que je veux, et je ferais tout mon possible pour obtenir cette soirée avec elle. Il est hors de question que je la laisse filer.

M’asseyant juste en face d’elle, je pose le cocktail devant elle, avant de prendre la parole. Ne la quittant pas des yeux, je sirote tranquillement mon verre, attendant de savoir comment elle va réagir. Va-t-elle encore tenter de fuir ? Sa réponse ne se fait pas attendre, et elle n’est pas des plus tendres. Mais bien loin de me déstabiliser, je ne perds pas mon sourire. Non, j’ai réussi à lui faire avouer qu’elle me connaissait, et c’est déjà une petite victoire personnelle. Reposant mon verre, je m’appuis plus confortablement sur le dossier, avant de croiser mes bras sur mon torse. « Ce que je te veux ? Passer la soirée simplement avec toi, et que tu arrêtes de m’ignorer à l’avenir. Mais je pense que cette dernière requête, je peux attendre encore pour que tu acceptes. » Attrapant mon verre, je pousse légèrement le sien vers elle. Après tout, il est payé donc autant qu’elle en profite. Reprenant ma place confortablement, je la regarde. « Alors que fais-tu ici ? » Au fond, j’espère sincèrement qu’elle ne va pas me dire qu’elle cherchait une nouvelle conquête … Parce que oui, effectivement, elle m’a tellement hanté que je suis ravi de la voir, en face de moi. Maintenant, reste plus qu’à savoir ce qu’elle va me répondre.